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Contribution de N°29 - Jean-Louis LAVOISARD

 Curieuses interférences en Guyane !

Les lanceurs européens
Les accords d’Evian, accordaient à la France le droit de poursuivre l’utilisation du champ de tir de Colomb Béchar et de son annexe d’Hammaguir jusqu’à 1967 pour les essais d’engins militaires et de recherche spatiale. Il fut cependant décidé de développer un nouveau champ de tir pour les Armées près de Cazaux, au sud de Biscarrosse ; il prit le nom de Centre d’Essais des Landes (CEL). Mais, si pour les Armées, il est possible de tirer vers l’Ouest, pour la recherche spatiale, il est essentiel de tirer vers l’Est pour faciliter la mise en orbite des satellites. Il faut également disposer de larges zones de retombée des étages inférieurs des lanceurs et, si possible, avoir également la possibilité de tirer vers le Nord (ou le Sud) pour la mise en orbite de satellites de recherche scientifique à orbite polaire. Sa position, en Guyane, près de l’équateur, assurant l’aide importante de la rotation de la Terre, imposait le choix de Kourou. La création du Centre Spatial Guyanais (CSG) fit l’objet d’un décret daté d’avril 1964.
A cette époque, le seul projet de lanceur «civil» était le lanceur Europa 1 de l’ELDO, dont la mise au point posait de multiples problèmes de collaboration technique et administrative entre les pays participants. Les essais effectués à partir de Woomera, en Australie, se soldèrent tous par des échecs.
En 1969, la Grande Bretagne et l’Italie se retirent, alors qu’il apparait clairement, que le lanceur vraiment utile à l’Europe doit permettre la mise en orbite géostationnaire, de satellites de télécommunications. Le projet Europa 2 est lancé, et l’utilisation du CSG prévu pour son premier tir ; il aura lieu en février 1974, aboutira à un échec et à l’abandon du projet au profit de ce qui deviendra « ARIANE ».
Entre 1964 et 1974 la France a installé puis développé le CSG de Kourou, ce qui a nécessité, en plus des installations techniques, la construction de logements pour le personnel venant de métropole. C’est ainsi qu’à Kourou une cité fut construite qui porte encore aujourd’hui le nom d’ELDO !
Le 3ème Régiment Etranger d’Infanterie
Le 3ème Régiment Etranger d’Infanterie, créé en 1920, est le plus décoré de la Légion étrangère. Il a pris une part active aux opérations d’Indochine, d’Algérie, puis fut stationné à Madagascar, jusqu’à l’éveil de forts courants antifrançais. En septembre 1973, il s’installa en partie dans les appartements vides de la cité ELDO et se vit attribuer plusieurs missions : dissuasion des mouvements indépendantistes, très sporadiques mais susceptibles de causer quelques troubles, entraînement spécial dans le cadre si particulier de la jungle, défrichage et création de routes vers Saint Georges de l’Oyapock et le Brésil. Il y est toujours, assure la sécurité lors des lancements d'Ariane 5, et participe avec la gendarmerie à la chasse aux orpailleurs clandestins venus du Surinam ou du Brésil.
Une curieuse interférence
Michel BIGNIER rapporte une curieuse anecdote à propos de l’interférence entre la présence du personnel du CSG et de celle du 3ème REI. Alors qu’il était directeur du CNES et faisait une inspection en Guyane en 1975, il fut reçu, à l’aéroport, par le directeur du CSG, qui avait l’air très désappointé ou, comme on dit vulgairement, tirait une gueule longue comme ça ! Questionné, celui-ci expliqua que le Centre était en bon état et que tout se passait selon les prévisions, mais que des problèmes se posaient avec les militaires.  
Apparemment très gêné, il refusait d’en dire plus et comme on lui demandait ce qui avait changé depuis l’année précédente où il n’existait aucun problème, il finit par révéler ce qui lui semblait fâcheux :
- « Le Colonel a décidé de fermer son bordel militaire de campagne.»
- « En quoi cela vous gêne-t-il ? Je pense que vous n'étiez pas client.»
- « Non qu'allez-vous inventer là ? Mais ce sont les raisons pour lesquelles il l’a fermé qui ne me plaisent pas.»
Quand on le presse de donner ces raisons et il répond :
 « Vous allez voir le Colonel demain, vous lui demanderez vous-même.»
Le lendemain, quand on demande au Colonel si tout se passe bien, il répond que ses hommes se sont bien adaptés, que la Guyane est un pays superbe, qu'il est enchanté et que tout se passe bien. On aborde alors la question soulevée la veille :
- « J'ai appris que vous aviez fermé votre bordel militaire de campagne.»
- « Oui, il ne servait plus à rien.»
- « Mais comment ça, il ne vous sert plus à rien ? Vos hommes auraient-ils perdu leur virilité ? »
- « Non, mais avec les femmes de vos ingénieurs et de vos techniciens, ils trouvent en ville tout ce qu'il leur faut et ils aiment mieux ça. Mes filles qui étaient des brésiliennes, il y en avait huit ou dix que je renouvelais tous les six mois, n’avaient plus de clientèle.»
- « C'est embêtant cela ! »
- « Non, cela n'est pas embêtant, parce que tout le monde est content :
  • les légionnaires ne payent pas,
  • les femmes de vos ingénieurs et techniciens sont satisfaites parce que nos légionnaires sont beaucoup plus actifs que leurs époux,
  • et vos ingénieurs et techniciens sont contents aussi parce que leurs femmes sont gaies à la maison.»
 
Ces "interférences" se prolongent-elles de nos jours ?

 


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