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Contribution de N°25 - Gérard BAILLET

   Le CYCLOPE 2000

 ou
   du « Merdoscope » au « Ciel Ouvert» !
Avant propos
 
Dans la lignée des équipements d’imagerie monoligne dont l’étude commença au début des années 1960 sous la conduite d’André CHABONNAT, se sont succédés plusieurs appareils qui firent l’objet, au cours du temps, d’utilisations assez différentes de celle pour laquelle ils étaient développés : l’observation aérienne à des fins militaires.
Aux démonstrations faites au Centre d’Essais en Vol de Brétigny dés 1964 succédèrent le développement d’équipements pour le R20, missile de reconnaissance, puis d’équipements SUPER CYCLOPE destinés à équiper les MIRAGES F1-CR. Puis virent le jour, aux termes d’études menées par Daniel MAGNIEN et Gérard BAILLET, le CORSAIR qui équipa l’un des premiers drones d’observation (CL289). Le dernier né CYCLOPE 2000, capable d’observation multispectrale, et qui valut à Gérard BAILLET le surnom de Père CYCLOPE, fut utilisé après 1993 sur les drones CRECERELLE, puis SPERWER, . . .
 
 
 
 
 Un SPERWER sur sa base de lancement              
 
 
   
La photo ci-dessus est celle de l'équipe qui, réunie à Dourdan le 3 juin 1992, participa aux premiers essais de transmission de l’image infrarouge d’un CYCLOPE 2000. Gérard BAILLET est désigné par la flèche verte, tandis qu’au centre se tient Henri EVRARD.
Pourtant ces équipements se firent remarquer pour bien d’autres utilisations !
C’est d’abord pour des études hydrologiques et bientôt la recherche des sources de pollution que la Faculté des Sciences et Techniques de MONTPELLIER utilise un CYCLOPE. De nombreuses applications ont été testées avec succès, comme l’identification des rejets fluviaux et côtiers (d’où le surnom de « merdoscope », le comptage des animaux, la recherche archéologique, la surveillance de la pollution maritime dans le cadre des plans POLMAR successifs, pour lesquels Renaud BURKHALTER du Laboratoire National d’Essais mit en œuvre le SUPERCYCLOPE revisité, à la SAGEM par Jean-Jacques DEHU. Des versions spécialement adaptées furent également utilisées pour la surveillance, en Suisse, des barrages hydroélectriques, la thermographie aérienne (particulièrement l’observation de l’isolation thermique des habitations urbaines) et même pour la détection d’éventuelles fuites d’ammoniac dans une usine RHONE-POULENC. Une démonstration convaincante, mais restée sans suite, du repérage nocturne des campements et déplacements d’éléments armés suspects dans le désert, fut menée dans des conditions rocambolesques en Arabie Saoudite.
Tout cela a été raconté en détail dans l’ouvrage relatant l’histoire de la SAT. Mais aujourd’hui, Gérard BAILLET qui n’avait pu être localisé à l’époque, nous fournit de nouveaux souvenirs qui sont relatés ci–après.
 
 
Mes souvenirs
 
J’ai retrouvé dans mes archives quelques documents concernant le CYCLOPE et ses dérivés. Ils s’agit de coupures de journaux, des témoignages assez rares car, à cette époque, la presse ignorait tout ce qui concernait, de près ou de loin, la Défense Nationale.
 
Le premier document est un article de FRANCE SOIR reproduisant une photo en infrarouge du port de Rouen prise de nuit à l’aide du premier SUPERCYCLOPE.
 
 
N.B. : Cette photo a été retouchée pour tenir compte des outrages du temps, mais les plis du papter sont restés  ! (N.D.L.R.)
 
Les documents suivants sont relatifs à la mise en place des plans POLMAR I et POLMAR II pour lesquels le SUPERCYCLOPE spécialement adapté joue un rôle très important.
Les essais effectués sous l’impulsion de Claude MEYER du L.N.E (Laboratoire National d’Essais) ayant été concluants, il fallut cependant attendre 1977 pour la première campagne de surveillance expérimentale de pollution par les navires (dégazage, déballastage). Les opérations de surveillances furent confiées aux Douanes françaises en 1981, en liaison avec les CROSS (Centre Régionaux Opérationnels de Surveillance et de Sauvetage, vers lesquels sont retransmises les images captées. Plusieurs années se passent, ensuite pour choisir l’organisme qui sera chargé de mettre en œuvre et exploiter cette surveillance. Enfin la disponibilité d’un nouvel avion bimoteur bien adapté à la mission, la définition d’un nouveau traitement de signal en aval du SUPERCYCLOPE avec visualisation à bord, et l’addition d’un radar latéral permettant la détection des couches d’hydrocarbures, permet de lancer le plan POLMAR I.


 

 
En 1998, le LNE (Renaud BURKHALTER) et la SAT (Jean Claude DEHU) entreprennent l’ingénierie d’un nouveau système POLMAR II. Les travaux s’achèveront avec la SAGEM.
 
Photo d'un article paru dans un journal de NICE
 
 
Dans la même lignée, POLMAR III fut mis en service en 2006.
 
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Mais le SUPERCYCLOPE m’entraîna dans une autre aventure, celle du Traité « Open Skies » ou « Ciel Ouvert » pour rester français. Plutôt que raconter mes propres souvenirs, je reproduit ci-dessous la  description que donne Wikipédia de cette affaire :
 
Le traité "Ciel Ouvert" met en place un programme de vols de surveillance non-armés sur la totalité du territoire des États parties. Il vise à renforcer la compréhension et la confiance mutuelle en donnant à tous ses participants, quelle que soit leur taille, un rôle direct dans la collecte d'informations au sujet des forces militaires et des activités qui y sont liées. « Ciel ouvert » est l'un des efforts de plus grande portée au niveau international pour promouvoir l'ouverture et la transparence dans ce domaine.
Le concept d'observation aérienne mutuelle a été proposé au premier ministre soviétique Boulganine par le président américain Eisenhower lors du sommet de Genève, en 1955 ; l'Union soviétique le rejeta ; il reste donc en sommeil plusieurs décennies. Le président George Bush relance l'idée d'un traité « Ciel Ouvert » en 1989. Après des négociations entre les membres de l'OTAN et du Pacte de Varsovie (dissous en 1991), il est signé à Helsinki le 24 mars 1992. Les États-Unis le ratifient en 1993 et la Russie en 2001, ce qui permet l'entrée en vigueur du traité au 1er janvier 2002 ; il compte actuellement trente-quatre États parties.
 
Chaque État partie doit accepter un certain nombre de vols d'observation (« quota passif ») et peut mener, au maximum, autant de vols d'observation qu'il en a reçus (« quota actif »). L'État observé doit être averti au moins 72 heures à l'avance du vol d'observation que prévoit l'État observant.
Les avions d'observation peuvent être fournis soit par la partie observant, soit par la partie observée, au choix de cette dernière. Tous les appareils et capteurs employés dans le cadre du traité Ciel ouvert doivent obtenir une certification spécifique ; il existe également des procédures d'inspection avant les vols, pour s'assurer de la conformité au traité des dispositifs utilisés.
Les équipements d’observation certifiés « Ciel ouvert » peuvent être équipés de caméras panoramiques, de caméras à image par image, de caméras vidéo, d’analyseurs infrarouges à balayage linéaire et d’un radar à ouverture synthétique, autant d’instruments qui peuvent être utilisés par tous les temps, de jour comme de nuit. La qualité des images prises doit permettre d'identifier les principaux équipements militaires, de manière à assurer une transparence significative des forces militaires et de leurs activités. D'autres catégories de capteurs peuvent être ajoutées, et la précision des capteurs utilisés peut être augmentée, par accord entre les États parties. Les capteurs utilisés doivent pouvoir être acquis par l'ensemble des signataires. La résolution des images est limitée à :
·         30 centimètres pour les capteurs photographiques et vidéo,
·         50 centimètres pour les capteurs infrarouges,
·         3 mètres pour les capteurs à imagerie radar.
Les données obtenues par l'État observateur doivent être accessibles à tout État partie qui en ferait la demande.
 
Lors de la préparation de mise en œuvre de ce traité, il fallait définir non seulement les résolutions métriques au sol des capteurs de surveillance mais aussi le procédé pour établir ces résolutions. C’est dans ce cadre que j'ai participé, à la demande du ministère de l'intérieur, à deux campagnes pour homologuer les procédés de contrôle des résolutions.
 
Pour la France les moyens mis en œuvre ont été :
  • un avion TRANSALL et son équipage du CEV de Brétigny
  • un équipement embarqué comprenant un capteur Cyclope 2000 et d'une station de visualisation, enregistrement, impression et traitement en temps réel des images IR.
Les essais on eut lieu :
  • en 1993 sur une base de l'OTAN à Brindisi
  • en 1994 sur une base Russe proche de Smolensk
Les photos suivantes illustrent le déroulement de ces essais.
Vue arrière du Transall
L'avion est dans cette configuration en vol pendant les prises de vues. La flèche rouge indique la position du cyclope 2000, la flèche bleue entourée de rouge montre le mouvement du chariot qui emporte le cyclope 2000 à l’extérieur de la rampe pendant les prises de vue.
L’installation en vol vue du poste de l'opérateur.
Le cyclope 2000 est indiqué par la flèche rouge, on voit le paysage en arrière-plan.
 
L'équipage sur la base de Brindisi en Italie
  • en 1 : Gérard BAILLET
  • en 2 : Jean Jacques DEHU
  • en 3 : une personne du service des chantiers extérieur SAT
  • les autres appartiennent font partie du  personnel du CEV de Brétigny
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Photo prise pendant le vol effectué au départ de Brindisi  

La flèche verte désigne Gérard BAILLET, l'autre personne est le responsable, pour la mission, du CEV de Brétigny.

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 Avant l'embarquement pour un vol avec la délégation russe.
La flèche verte indique Gérard BAILLET ; les autres personnes sont des homologues russes. L'avion en arrière-plan est l’Antonov AN-30 de reconnaissance équipé de scanner IR utilisé pour le vol.
 
L’équipage pour les essais en Russie
La flèche verte indique Gérard BAILLET, les autres personnes appartiennent au CEV ou sont des personnalités russes. En arrière plan le TRANSALL.
 
Les essais consistaient à survoler plusieurs mires disposées au sol à des altitudes croissantes afin de déterminer la limite de visibilité de celle-ci. Le soir, était organisée une séance de comparaison des résultats obtenus par les nations représentées. Il y avait, en général, deux vols par jour sur plusieurs jours. Chaque avion embarquait des représentants d'autres nations. C'est comme cela que j'ai volé sur un avion de reconnaissance russe.
 
Pour la petite histoire le CYCLOPE 2000 discernait des mires un peu plus petites que sa résolution angulaire nominale, alors qu’au contraire, les autres équipements ne voyaient pas les mires correspondant à leur résolution angulaire. Il faut peut-être méditer sur l’habileté commerciale des fabricants, mais c'est une autre histoire...
 
Copie de la carte que nous avions reçue pour les essais en Russie, vous pouvez voir les drapeaux des nations participant aux essais.

 


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