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Contribution de N°20 - Jean-Louis LAVOISARD

 

 
Coordonnées
 
43° 32' 59.4" Nord
       6° 57' 24.4" Est
Que peut-on y voir ?
Le lieu
 
Nous sommes sur le territoire de la commune de CANNES-LA BOCCA sur les voies d’accès de la zone aéroportuaire de CANNES-MANDELIEU. Le long du premier hangar à droite de l’entrée et face au parking, on peut voir la stèle érigée ici pour commémorer un étrange fait divers.
 
De quoi s’agit-il ?
 
Du plus étrange vol d’essais d’un avion depuis le début de l’aéronautique. Un prototype inachevé, sans plan de vol déposé, qui a décollé ici d’un continent (l'Europe) et atterri sur un autre (l'Afrique) !
 
 
L’avion
Le SO 90, un avion de transport bimoteur issu des études sur lesquelles planchaient les équipes de Marcel BLOCH à la fin des années 1930, qui passa sous le contrôle de la SNCASO (Société Nationale de Construction Aéronautique du Sud-Ouest) puis fut repris lorsque, la France ayant signé l'armistice de 1940, les constructeurs nationalisés passèrent sous contrôle des autorités d'Occupation. Finalement, les travaux menés sous l'autorité de Vichy débouchèrent sur une version qui semblait intéresser la Luftwaffe. Il fut rebaptisé « CASSIOPÉE ».
 
 
Le pilote
 
Maurice HUREL (1896 - 1982) élève de l’Ecole Navale (1914) et de Sup. Aéro (1921). Ayant obtenu ses brevets de pilote sur avion puis sur hydravion au sein de l’aviation maritime, il devint directeur technique des CAMS (Chantiers Aéromaritimes de la Seine) puis de la SNCASO. En 1947, il créa avec Jacques DUBOIS la société HUREL-DUBOIS qui mit au point et construisit des avions civils particuliers à ailes très allongées pour décollage court.
 
Les circonstances
 
Cet avion a été construit ici, dans les anciennes usines ROMANO, à la suite de l’étude entreprise par la SNCASO sur commande du Service Technique Aéronautique, et dont la poursuite avait été autorisée par la Commission d’Armistice. Maurice HUREL, nommé chef des Services Techniques de la SNCASO le 14 novembre 1940, a beaucoup apprécié le séjour qu’il a fait sur la côte à l’occasion des essais de la bombe planante BHT 38 à la base Aéronavale de FREJUS. Il décide de regrouper ces services à CANNES. La région est alors en zone de contrôle italien. Les activités de la SNCASO sont placées sous la surveillance de la 2ème section italienne de contrôle des Industries de Guerre basée à l’hôtel CRILLON à AVIGNON. Les facilités de « compréhension » de celle-ci (un peu par la langue mais beaucoup par le manque de zèle), la présence de nombreux hôtels disponibles et le climat agréable de la région, permettent une progression assez rapide du travail.
 
Fin juin 1942, les allemands ont envahi la zone sud, et en novembre la 4è Armée Italienne a occupé les Alpes-Maritimes. Le « climat » devenant malsain, beaucoup d’ingénieurs pensent à rejoindre la France Libre. Le SO 90 prototype en cours de finition, avec un tableau de bord incomplet et sans l’hydraulique du train d’atterrissage, a été autorisé par l'occupant italien à faire quelques essais de roulage sur le terrain de CANNES-MANDELIEU.
 
Rien n'apparait donc anormal lorsque le lundi 16 août 1943, jour férié, en début d'après-midi, à l'heure de la digestion, un équipage se présente en bras de chemise pour un nouvel essai. Mais, progressivement réalisé, le plein d'essence a été terminé la veille. Et quelques instants plus tard, le plus rocambolesque premier vol d’essai de l'histoire de l'aéronautique se produit. Maurice HUREL, poussant à fond les manettes, décolle au dessus de l'usine et met le cap au Sud, train sorti, à basse altitude pour échapper à la chasse allemande qui est prévenue, mais un peu tard, par la garde italienne qui a favorisé le départ en écartant les chevaux de frises et obstacles divers disposés préventivement sur la piste et reste un bon moment interloquée.
 
Le SO 90 fait une longue ligne droite de 3 heures… Ce n'est qu'à l'arrivée à Philippeville en Algérie qu'un premier virage est tenté afin de se poser. Mais le message de la Résistance prévenant de l'arrivée de l'appareil n'étant pas parvenu, seule la présence d'esprit d'un français permet d'éviter l'intervention de la DCA ! Lors de son transfert à Alger, le SO 90 va d’ailleurs se vomir au sol : sous tension lors de la fuite depuis Cannes, l'équipage avait mal réglé le mécanisme de pas d'hélice… !
 
Les passagers
 
Dans cette fuite vers l’Algérie, accompagnent Maurice HUREL :
  • le général Jean MOLLARD ancien commandant militaire de Corse, recherché par la Gestapo,
  • André MOLLARD, fils ainé du précédent,
  • Jean TURCK, notre collègue qui avait conçu le système de guidage de la bombe volante BHT 38 avec Maurice HUREL,
  • Jean WEIL,
  • Gérard ALLEGRET,
  • Fred, Jacques et Jean-Marie HUREL tous 3 fils de Maurice HUREL
Les conséquences
 
C'en était trop pour les allemands, qui voulaient depuis quelque temps déjà rapatrier sur Paris le bureau d'études Cannois. Le 9 septembre, ils chassèrent les italiens. A l'usine, la priorité fut donnée à la fabrication de bâtis-moteurs pour les avions allemands (Junker 52, Messerschmitt 323.
Une rafle monstre portant sur 55 hommes et 9 femmes choisis au hasard, donna lieu à quelques exactions de la Gestapo.
 
Jean TURCK, connu par les services secrets britanniques comme concepteur du système de guidage de la bombe planante française fut « réquisitionné » pour combattre la bombe allemande Hs293 en partie copiée à partir des plans cédés par le gouvernement de Vichy.
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La photo ci-dessous montre Jean TURCK devant cette stèle en janvier 2011. Notre centenaire se verra remettre, le 16 juin 2011, la Médaille d'Or de la ville de CANNES.
 
 

 


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