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Contribution de 16 - François Le MENESTREL

                         ANECDOTE RELATIVE AU DEBUT DU PROGRAMME TRANSIT

 
Au début des années 1960, je me rendis avec Jacques DOCKES à un symposium sur les télécommunications à Washington. A cette occasion, nous entrâmes en contact avec les laboratoires de l'université John HOPKINS à Silver Spring, qui venaient de concevoir le système de navigation par satellites TRANSIT, destiné au positionnement des sous-marins lanceurs d'engins de l'US Navy.
A notre surprise, nous fûmes reçus pour un "breakfast" à Silver Spring, par les scientifiques auteurs du programme, manifestement très fiers de leur réalisation. Ils répondirent à nos questions sans détours. Très simple dans son concept, certains perfectionnements étaient nécessaires, tel que l'émission d'une double fréquence pour corriger les effets de la réfraction atmosphérique. Ayant posé la question d'une coopération possible, ils nous renvoyèrent à leur client : l'US Navy.
Nous primes contact avec elle, par l'intermédiaire de la mission française de l'Armement à Washington et fûmes reçus, quelques jours après à l'État-major de la Navy, toujours à notre grande surprise, par un aréopage impressionnant de commandants de la Navy. Jean VOGE, ingénieur général du CNET, connu pour sa culture scientifique considérable, avait bien voulu accepter d'étoffer notre modeste délégation (j'avais à l'époque trente ans).
J'exposai le sujet et ses implications possibles pour les sous-marins français, (la force française de dissuasion suscitait toujours un vif agacement chez les Américains, le Général de GAULLE l'ayant voulu indépendante, contrairement à son homologue britannique) et posai la question d'une coopération éventuelle.
Après un long silence, le chef de la délégation américaine répondit qu'il nous avait écouté avec attention, mais qu'il ne comprenait pas un traître mot ni du sujet dont nous parlions, qu'il ignorait, ni de nos intentions pour avoir provoqué une telle rencontre.
Notre stupéfaction digérée, Jean VOGE rappela que la Terre étant un "patatoïde" grossier, l'ajustement des systèmes de navigation requérait des stations localisées dans des implantations réparties sur les différents points du globe. Il existait des régions des océans dans lesquelles les Etats-Unis ne possédaient pas d'implantation, telles les îles Kerguelen françaises, entourées de plusieurs milliers de milles d'océan. L'installation d'une station TRANSIT américaine dans ces îles aurait pu intéresser la Navy.
L'un des commandants présents s'exclama immédiatement : " Après tout pourquoi pas ? " ce qui révéla :
§    que les Américains avaient parfaitement suivi notre exposé,
§    que notre démarche était pertinente et les intéressait.
La réunion fut suivie, côté Paris, d'une proposition élaborée par la DRME (Ingénieur Général CARPENTIER) au ministre de la défense, Michel DEBRÉ, proposition finalement refusée par le Général de GAULLE : " Les Américains aux Kerguelen, jamais ! " Mais le programme était lancé et une première station expérimentale fut commandée à la SAT.
L'absence d'une coopération avec les USA obligeait cependant la France à déterminer les éphémérides des satellites américains, ce qui obligea à une démarche auprès de l'observatoire de Paris. Nous y rencontrâmes un jeune astronome, M. KOWALEWSKI du "Bureau de mécanique Céleste" qui se révéla tout à fait coopératif.
Cette première application de la navigation par satellite fournissait une précision de localisation de l'ordre du dixième de mille marin, après réception pendant un quart d'heure d'un satellite à défilement de passage.
 
NDLR : Voir la contribution de Pierre BERENGUIER.
 

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