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Contribution de 14 - Michel MILLET

1 - Le projet ALBIREO

 
L’efficacité des missiles sol air étant de plus en plus patente, les avions et hélicoptères se sont dotés, pour se protéger, de dispositifs de leurrage. Le plus ancien était constitué par une cible artificielle plus rayonnante que celle visée et animée d’une trajectoire se séparant rapidement de la cible observée.
Les leurres, ressemblant à des gros feux de Bengale étaient embarqués dans des châssis fixés sur l’avion ou l’hélicoptère, le pilote déclenchant l’éjection dont la cadence était régulière ou séquentielle. A l’origine, les leurres étaient émis vers le sol, mais rapidement ils furent animés de trajectoires multiples.
L’autodirecteur du MISTRAL a donc dû intégrer plusieurs fonctions électroniques pour résister à des tirs de leurres éjectés d’avion ou d’hélicoptère. La mise au point de certains dispositifs a été longue et délicate surtout en ce qui concerne la phase de vol. Plusieurs campagnes d’expérimentation ont eu lieu à CAZAUX, pendant plusieurs années, pour tenter de mettre au point des solutions satisfaisantes. Malgré toutes les améliorations apportées, l’autodirecteur reste malgré tout sensible à certains types de leurres.
Au cours de ces expérimentations, un phénomène important a été mis en évidence : les leurres de par leur constitution émettaient non seulement un rayonnement infra rouge, mais aussi un rayonnement UV. Par contre, la cible, masquant le ciel provoquait, elle, une atténuation du rayonnement UV. Cette observation conduisit à présenter à la DGA un projet d’un autodirecteur de type bi spectral de façon à améliorer le guidage en phase de leurrage. Cette étude pris le nom d’ALBIREO en raison d’une étoile qui de la terre est repérable par deux couleurs.
Une maquette a été équipée d’un détecteur cruciforme UV superposé au détecteur IR ; le nombre d’accès de sortie du cryostat a donc été doublé pour un même encombrement. Le dôme pyramidal a été réalisé dans un matériau capable de transmettre sans trop d’atténuation le rayonnement UV et IR dont les bandes spectrales étaient relativement éloignées ; le CEA a fourni les moyens industriels nécessaires. Les matériaux des miroirs primaire et secondaire ont été  modifiés par rapport à la version IR.
Du côté de l’électronique, certaines fonctions du MISTRAL IR ont été reconduites ; par contre, des processeurs de traitement du signal ont été implantés de façon à expérimenter des logiciels de traitement spécialisés.
Des essais sur un banc UV ont permis de caractériser les cibles dans cette bande spectrale. Cette maquette expérimentale a été utilisée au Canada lors de manœuvres aériennes de l’OTAN ; des signatures infrarouges et UV de cibles variées ont été observées. Les principaux signaux électriques enregistrés ont été analysés pour valider l’apport d’une voie spectrale supplémentaire.
Commencée en 1992, l’étude s’est terminée en 1998, victime de la reprise de la SAT par SAGEM (choix différents), du peu d’engouement de MATRA pour un autodirecteur utilisant encore un dispositif de détection de type cruciforme, alors qu’une mosaïque était plus « tendance » et aussi de la politique de restriction des crédits par l’Etat.
Cette maquette a été étudiée, réalisée, mise au point par MM. MILLET, BEAUDEAU, CORPORON. Le service d’optique de Paris, le service technique et le service des détecteurs de Poitiers ont également participé à la réalisation.
 
 

2- Les munitions ‘intelligentes

 
Au début des années 80 deux études concernant les munitions d’artillerie nous ont été demandées par la DGA. Ces deux études qui portaient sur des munitions destinées à la destruction de cibles très différentes, avaient en commun l’utilisation de canons. Le niveau d’accélération au moment du tir était dans un cas comme dans l’autre très important soumettant les éléments mécaniques et électroniques à de grandes contraintes.
 
 

Obus de 100 mm

 
L’obus de marine de 100 mm est une munition utilisée par les tourelles de DCA installées sur les bâtiments de la marine pour détruire les avions ennemis. Ces menaces se présentant par l’avant, le nombre d’obus nécessaire pour détruire la cible à une distance satisfaisante est très important, ce qui nécessite d’embarquer une grande quantité d’obus qui représente une contrainte en poids et volume. L’idée des opérationnels a donc été de tenter de donner de « l’intelligence » à cette munition pour en augmenter l’efficacité afin de réduire poids et volume.
 
Le principe de fonctionnement consistait à mesurer à l’aide d’un détecteur de forme appropriée, l’angle formé par l’axe de l’obus et la position de la cible. Au dessus d’une certaine valeur, une correction de trajectoire intervenait de façon à ramener l’obus vers la cible et de mettre à feu la charge militaire pour détruire l’assaillant.
Compte tenu de la présentation de la cible plein avant, une bonne sensibilité était requise, d’où nécessité d’un détecteur InSb refroidi. L’électronique était composée d’un processeur de traitement associé à un calculateur arithmétique qui donnait les indications sur l’angle entre la cible et l’axe de l’obus, la vitesse de rotation du projectile et sur le temps d’application des éléments du dispositif de correction.
Pour la SAT, les difficultés étaient innombrables : volume alloué à l’électronique très restreint ; mise en froid du détecteur effective quelques millisecondes après la mise à feu de l’obus ; niveau d’accélération de plus de 15 000 g pendant la phase de sortie de la munition du tube du canon.
Les composants électroniques devaient pouvoir résister à ce niveau d’accélération mais aucun fabriquant ne s’engageait ! Et de plus la simple question sur ce sujet déclenchait des regards interrogateurs !
Comme il fallait bien expérimenter la résistance aux accélérations, un programme d’essais fut envisagé à un niveau d’accélération inférieur au niveau réel. Il comprenait des essais avec des éléments mécaniques, optiques et électriques. Les composants électroniques étaient passifs. Plusieurs dispositifs de maintien mécaniques furent expérimentés ainsi que différents matériaux d’enrobage. Les tirs s’effectuaient sur le champ de tir de la Ferté Saint Aubin exploité par le maître d’œuvre Thomson Brandt Armements qui apporta à la SAT une aide constante et sans faille.
Après plusieurs essais concluants on envisagea des essais de composants sous tension. Le premier essai eut lieu à l’aide d’un container métallique dans lequel était enrobé un microprocesseur relié à une alimentation électrique extérieure par des fils placés dans le tube du mortier. Le calculateur générait un signal électrique témoin. Un enregistreur mémorisa les signaux électriques avant le tir, pendant l’éjection puis en sortie du tube jusqu’à rupture des fils d’alimentation. L’essai fut concluant.
Un autre essai eu lieu dans un canon de 100 mm tirant un container d’essai dans un chambre à sable ; essai satisfaisant avec des éléments passifs.
A cette phase succéda une phase d’étude du projectile lui-même, car il apparut que le comportement en vol de l’obus était loin d’être parfait et, en particulier, le projectile avait la fâcheuse tendance de se retourner sur lui-même pendant toute la durée du vol !
Les travaux entrepris par Thomson Brandt ne donnèrent pas de résultats satisfaisants ; un tir réel fut réalisé avec un détecteur refroidi et avec une électronique en forme, mais les mouvements parasites de l’obus ne permirent pas de valider le concept.
L’étude pris fin sur décision de la DGA.
 
 

Munition anti char à effet dirigé

 
Une autre application utilisant un projectile d’artillerie fit l’objet d’une étude ; elle concernait la destruction de chars à des distances importantes. Le principe était le suivant. Un canon de 155 mm envoyait à destination d’une concentration de chars jusqu’à une vingtaine de kilomètres au maximum, un obus de type « cargo ». Cet obus était en fait un container renfermant des sous munitions spécialisées. A la verticale du rassemblement de blindés, l’obus éjectait les sous munitions qui se déployaient à l’extrémité d’un parachute.
Les sous munitions rassemblaient dans un boîtier, un système de détection, une circuiterie électronique de commande, la munition proprement dite.
La voilure du parachute était telle que la sous munition était animée d’un mouvement de rotation autour de son axe, permettant l’analyse optique du champ de bataille. Au fur et à mesure de la phase de descente, deux détecteurs (non refroidis) donnaient des informations sur l’origine thermique des cibles observées. Pour simplifier, l’un détectait les pots d’échappement des blindés, l’autre les feux. Cette seconde information évitait l’éjection d’une charge sur un incendie !
La charge destructive était très particulière ; elle consistait à éjecter, à très grande vitesse, un matériau en fusion qui se solidifiait pendant la trajectoire vers la cible avant de la percuter et de la détruire.
Des essais de détection de cibles et de feux eurent lieu à l’aide d’un hélicoptère équipé d’un système d’analyse et de détection survolant des blindés et des feux allumés au sol. Les résultats pour la SAT étaient très encourageants.
Hélas, le projet pris fin à la suite de désaccords entre industriels.
 
A ces deux études ont participé Mmes L’HELGOUALC’H et NICOLAS, MM. FROISSART, MULLER, MILLET, TUPINIER du laboratoire d’étude ainsi que M. VINCENT du service des chantiers et M. JANIN du service technique qui apporta son aide pour les problèmes mécaniques.  

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