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Contribution de 09 - André VELTE

 Procédés industriels et assistance technique à l’étranger


Les résistances et la création de l’Etablissement de LANNION

Je suis arrivé à la SAT le 2 janvier 1964, embauché par monsieur VERGES qui cherchait un successeur afin de partir à la retraite. Il avait pensé que son gendre, monsieur LACHAISE pourrait occuper ce poste, mais celui-ci avait été mortellement blessé dans un accident de voiture sur la route de la câblerie de RIOM.
Dès son arrivée, j’ai visité les deux usines de MONTLUÇON et RIOM puis, accompagné d’un ingénieur du laboratoire de recherche, participé à une mission d’information technique aux U.S.A. dans le cadre de SOTELEC : visites de laboratoires, usines et autre installations du BELL SYSTEM.
On m’avait confié par ailleurs deux autres missions : trouver une source fiable de résistances de précision, miniatures (100 mW), pour équiper les modules de télémesure AJAX dont la production se heurtait à des difficultés d’approvisionnement et s’enquérir sur les moyens les mieux adaptés au collage du silicium.
Pour la première mission, je me suis rendu chez notre fournisseur KIDCO où j’ai rencontré le patron monsieur KIDDER qui, après discussion à propos des difficultés de livraison,  a proposé de céder à la SAT une licence en vue de fabriquer ces résistances elle-même !
Le directeur du CNET de l’époque, monsieur MARZIN, souhaitait développer autour de la nouvelle implantation de celui-ci, une zone industrielle où seraient représentés toutes les entreprises membres des groupements SOTELEC et SOCOTEL. Monsieur GILARDI saisit alors l’occasion pour entreprendre, sur le terrain dont la SAT disposait au voisinage du CNET, la construction du premier embryon de ce qui deviendra l’usine de LANNION.
Les activités sont en fait confiées à une filiale, la TREL, (acronyme de TREGOR Electronique).
 
Une petite anecdote : Le jour de la pose de la première pierre des bâtiments, en présence de monsieur MARZIN, celui-ci est tellement distrait ou tendu, qu’au lieu de mettre le « parchemin » usuel dans le tube d’inox prévu à cet effet, il le prend puis l’enroule soigneusement autour, à la grande hilarité de l’assistance et en particulier de monsieur GILARDI !
 
Amélioration de la production des ferrites à MONTLUÇON
 
La fabrication des équipements de transmission téléphoniques à 12 voies, exigeaient de disposer de « pots » ferrites assez exceptionnels : la tolérance sur la valeur de la perméabilité devait être le plus resserrée possible pour qu’avec des bobinages « standards » on puisse obtenir une valeur d’inductance initiale telle que l’on puisse effectuer les réglages à l’aide des « noyaux plongeurs » disponibles. Ceci n’était pas toujours le cas et il fallait le plus souvent s’en assurer en vissant et dévissant les plongeurs, ce qui pouvait causer par la suite une usure, cause ultérieure de déréglage. Il fallait également que la perméabilité soit indépendante de la température, du vieillissement et des contraintes mécaniques liées au montage des deux demi-coquilles.
Ces ferrites étaient obtenues à partir d’oxydes métalliques dont une partie importante des mines de Provence qui étaient soigneusement broyés, atomisés, pressés dans des moules puis « frittés » dans plusieurs petits fours (NEC MILET) à des températures successives. Le processus comportant des variations importantes des caractéristiques physiques (notamment des dimensions qui se réduisent dans le rapport de 4 à 3) entraînait une dispersion très importante à tous les niveaux de fabrication. Monsieur VERGES conscient de la nécessité de mettre en œuvre un four « continu » à profil de température « contrôlé » avait reculé devant l’investissement colossal que cela représentait. Faute de trouver ce qu’il faut en France, je prends alors son bâton de pèlerin et me rends en Allemagne chez RIEDHAMMER à NUREMBERG, TELEFUNKEN à ULM puis chez DORST et chez KLEMT au sud de MUNICH. De retour, je fais signer à monsieur PARCÉ une commande pour un four continu de 16 m de long que l’on installe à MONTLUÇON avec une centrale à azote liquide et un groupe électrogène de secours (qui d’ailleurs, à ma connaissance, n’a jamais eu à servir).
Imaginez mon soulagement, et celui de mon équipe, quand la quasi-totalité des premiers pots ferrites sortant de fabrication sont acceptés par le Contrôle de monsieur BORY !
Pourtant, pendant longtemps, monsieur PARCE m’accusa gentiment d’être pro-allemand.
 
Du collage du silicium aux générateurs solaires
 
Revenu des USA avec quelques recettes en poche sur les possibilités de collage du silicium, je découvre que le problème de la SAT consiste à coller des centaines de plaquettes carrées de 2x2 cm utilisées comme photo-piles. En effet monsieur ROGER a mis en route un projet de panneaux solaires pour le premier satellite de conception entièrement française (D1) projeté par le CNES !
Le support, initialement non défini, s’avère être du NIDA : c’est à dire une structure d’aluminium très mince « en nid d’abeille » présentant des faces en époxy stratifié elles-mêmes très minces. Après quelques essais concluants, un bel atelier « dépoussiéré » est aménagé dans le bas de la rue CANTAGREL et l’on commence à y assembler les premiers panneaux.
Après le lancement réussi du satellite les trois principaux acteurs SAT du projet reçurent du CNES un diplôme et une médaille d’argent : monsieur ROGER pour la conception et les calculs du projet, monsieur GAUTIER pour la fabrication des cellules et monsieur VELTE pour la fabrication des panneaux.
Ce premier projet, fut à l’origine d’une activité qui perdura pendant une dizaine d’années grâce à des contrats du CNES, de l’ESRO (ESRO1, HEOS), de la COMSAT (satellites INTELSAT) puis duCIFAS (SYMPHONIE).
 
La « Télé » à la SAT ! Une émission spéciale destinée à montrer l’atelier et les panneaux solaires, présentée par François de CLOSETS, organisée et soigneusement préparée par monsieur LE MENESTREL, se déroula assez bizarrement ; en effet le présentateur oublia le plan prévu pour l’interview et de plus se mit à aborder d’autres sujets, au grand désarroi de son hôte de la SAT. Mais le soir, tout le monde regarda la télé et fut ravi. Le lendemain pourtant, il fallut constater qu’il faudrait plus d’une semaine pour nettoyer l’atelier : la grosse caméra, les équipements de prise de son, les projecteurs et surtout les câbles boueux traînés à travers les portes restées ouvertes avaient vraiment mis à mal le « dépoussiérage » ! 
 
Le TRIPOLE et son réglage automatique
 
Au début des années 60, le réseau de transmission téléphonique comprenait essentiellement des équipements 12 voies, qui utilisaient des composants discrets : en particulier des bobinages sur pots ferrites et des condensateurs mica. Une fois assemblé sur un support, chaque équipement devait faire l’objet d’un réglage requérant plusieurs appareils de mesure précis et un personnel très qualifié. L’opération de réglage pouvait souvent dépasser plusieurs heures ! L’intensification des commandes des PTT nous imposait de mettre en place des moyens de production nouveaux et plus rentables. Je fis alors appel à messieurs NEPOMIASTCHY et LAMIRAULT. Avec l’assistance du laboratoire de recherche, le schéma fut découpé en sous-ensembles, comportant un pot et un ou deux condensateurs mica associés, dans le but de définir des mini-fonctions simples à régler individuellement par déplacement du noyau plongeur. Chacun de ces sous-ensembles, logé dans un boîtier étanche avec sorties par perles de verre fût dénommé « TRIPOLE » !
Chaque tripole, pouvait alors être réglé de façon très simple, facilement automatisable à l’aide d’un petit appareil muni d’un tournevis déplaçant le plongeur. Ce réglage, rapide et précis, était par ailleurs très reproductible car indépendant des facteurs humains. La fabrication d’un équipement « 12 voies » se ramena alors à l’assemblage de composants préréglés : sa rapidité et son coût furent largement améliorés.
Après quelques tâtonnements, l’opération fut un succès…. Et l’usine de LANNION s’enrichit d’un grand atelier de fabrication de tripoles.
 
Les circuits « épais »
 
Lors d’un autre déplacement aux USA, j’ai remarqué dans une exposition quelques échantillons de conducteurs et de résistances réalisés par dépôt de pâtes sur une plaquette de céramique. J’en ai rapporté quelques échantillons puis, avec l’accord de monsieur GILARDI, je mis en place une petite équipe (messieurs BOISSON et LACROIX) pour étudier la possibilité d’utiliser cette technique pour la réalisation de sous-ensembles fonctionnels. Des résultats encourageants furent rapidement obtenus et le premier équipement visé étant le « futur » 12 voies, des prototypes d’amplificateurs sont étudiés et réalisés. Le réglage des résistances, initialement obtenu par sablage des résistances, se fit ensuite au laser. La philosophie de l’assemblage de composants fonctionnels préréglés et testés se poursuivait donc.
Rapidement celle-ci fut adoptée pour d’autres équipements…. Et l’usine de LANNION s’enrichit d’un grand atelier de fabrication de circuits à couches épaisses sérigraphiées.
 
Les circuits imprimés
 
C’est monsieur PINTENET, photographe de formation, qui réalisa les premiers circuits SAT dans son atelier de photo ! Il est inutile de préciser combien la demande explosa aussitôt. Un petit atelier de production fut alors installé à CACHAN où un peu de place reste disponible, mais au 2ème étage, sans ascenseur, donc avec beaucoup de difficultés d’accès. Rapidement les canalisations furent rongées par les eaux de rinçage. Monsieur GILARDI fit installer un nouvel atelier à DOURDAN. Là, au moins les débordements ne pouvaient incommoder les voisins : ils étaient au cimetière ! Mais la demande continua à croître ; les exigences des utilisateurs et la qualité demandée aussi d’ailleurs. Alors un groupe de recherche fut mis en place, piloté par monsieur VAILLAGOU, et directement placé à côté des moyens de production. La qualité s’améliora et nos circuits multicouches à trous métallisés furent même agréés pour les fabrications « spatiales » ! Mais, il fallait encore se développer. Une fois de plus on pensa à LANNION et une superbe ligne de dépôts électrolytiques, entièrement automatisée, avec perceuses multi-têtes et un ensemble important de moyens (traitement photographique, en particulier) fut mis en place. Et cette fois, on n’oublia pas le traitement des eaux en amont et en aval de la chaîne !
Pour rentabiliser, l’opération on accepta des commandes de clients extérieurs, ce qui entraîna la nécessité de mettre en place un atelier « prototypes » pour satisfaire rapidement les besoins toujours urgents des laboratoires et réaliser les circuits sophistiqués comme, par exemple, les circuits souples pour certains équipements destinés aux missiles.
 
Contrôle final automatisé
 
Un équipement 12 voies assemblé devait encore faire l’objet d’un contrôle et réglage final pour s’assurer qu’il satisfaisait le cahier des charges, copieux et contraignant, avant d’être présenté aux réceptionnaires des PTT. Cela se faisait sur des positions manuelles truffées d’appareils de mesure précis et très coûteux. Le travail était long et devait être repris deux fois : pour le réglage et pour la présentation en recette !
Monsieur LAMIRAULT et son équipe s’attaqua donc à la tâche de concevoir un appareil totalement automatique qui effectuerait toutes les mesures et délivrerait une feuille de mesures comportant les résultats et pouvant être présentée aux réceptionnaires. Afin de respecter les exigences, notamment la précision, il fallut développer un processeur spécialisé. Baptisé « SIGMA » celui-ci utilisait des mémoires rapides à tores réalisées à la SAT avec des petits tores magnétiques 6x4x2 de RADIOTECHNIQUE ! Sa face avant comportait un grand tableau de diodes électroluminescentes qui clignotaient agréablement et le rendaient très « vivant ». Une fois ce processeur au point, les appareils de mesures adéquats trouvés et interfacés, les logiciels de tests écrits, la mise au point prit quelques temps mais le résultat obtenu fut à la hauteur des espérances : un 12 voies était entièrement testé en 15 minutes ! Le plus difficile dans ce projet fut de faire adopter le système par les PTT, qui s’entêtaient, après l’impression de la feuille de mesure, à vérifier sur le banc manuel que l’automate avait bien fonctionné !
Le système fût finalement adopté puis généralisé à d’autres équipements dont certains comme les équipements de raccordements de lignes d’abonnés exigeaient des milliers de mesures successives entre accès. Le SIGMA ayant fait ses preuves perdit son tableau de diodes puis fut remplacé par un « micro-SIGMA » plus moderne.
 
Assistance Technique en BULGARIE
 
L’idée de fabriquer du matériel 12 voies en Bulgarie était assez ancienne, mais le décès dans un accident d’avion à ZURICH de monsieur SESE technico-commercial qui s’occupait des négociations avait retardé la réalisation. Le contact fut repris avec la participation de monsieur NEPOMIASTCHY d’origine russe, qui parlait cette langue mieux que nos interlocuteurs Bulgares et qui surtout pensait « en slave » ! Cela permit d’avancer plus vite et de façon plus avantageuse pour la SAT. Après de nombreux voyages, des bulgares à PARIS et des français à SOFIA, le contrat « SAT-LTT-RESPROM » fût enfin signé.
Quand l’usine de production fut achevée et les premiers équipements fabriqués reconnus conformes, il y eut une grande inauguration officielle avec le vice-ministre GEORGIEV, messieurs BOULIN et GILARDI ainsi que le directeur de LTT qui devait recevoir une partie des équipements 12 voies fabriqués. Une distribution de diplômes et de médailles commémoratives à tous ceux qui avaient participés au projet (négociation, équipement de l’usine, mise au point des machines, formation du personnel, pré-production) eut lieu après quelques discours. La fête fut précédée le matin même de visites de ministres et de personnalités des Télécoms Bulgares avec toast, slivova, chocolat, slivova, etc…
Petit problème d’intendance : 
Monsieur VELTE s’était chargé, c’est le cas de le dire, du transport de deux grosses valises remplies de diplômes et médailles. A l’arrivée à SOFIA, il récupère, papiers de douane à la main, les deux valises vidées de leur contenu ! Et la fête a lieu dans 5 jours. Les usines de l’imprimerie et des médailles sont remises au travail en le soir même en France pour répare le « drame ». Et la veille du jour fatidique, diplômes et médailles arrivent en bagages cabines, bien surveillées par monsieur LE DOSSEUR !

 
 
 La fameuse médaille commémorative
 
Assistance technique en HONGRIE
 
Les Hongrois étaient intéressés par la fabrication des circuits à couches épaisses et ceux de REMIX avec lesquels nous avons été en relation étaient des techniciens de tout premier ordre du département de monsieur PAPP. BUDAVOX, l’organe officiel Hongrois chargé de la mise en œuvre des contrats passés par les PTT dirigea toutes les négociations avec beaucoup de réalisme. Les négociateurs, messieurs SCHMIDT et PALFY parlaient très bien le français, ce qui facilita leur déroulement. Pourtant ils étaient constamment « chaperonnés » par un « responsable » vraisemblablement politique. Toutes ces personnes ignoraient tout de la France.
Ils ne connaissaient pas Paris et encore moins la Bretagne. Ceci nous coûta bien des visites du radôme de PLOMEUR BODOU, au barrage de la Rance et l’ingurgitation de nombre d’omelettes de la Mère POULARD !
J'ai passé là-bas trois ans pour le lancement de la production, en vivant dans les mêmes conditions que les personnes que je rencontrais chaque jour à l’usine. J'ai accompagné à LANNION un groupe de hongrois venus pour faire sanctionner leur formation par un diplôme qui me fut également attribué à cette occasion (cf. ci-dessous). Je me suis initié au hongrois que j'utilisais avec aisance en toutes circonstances et fis un agréable séjour. Mademoiselle PRIHNENKO assurait la présence de la SAT dans la seconde usine « TELEFONGYAR » qui fabriquait les matériels objets du contrat.
 
  Le diplôme REMIX
 
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