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Contribution de 08 - Alexis NEPOMIASTCHY

Mes activités à la SAT
 
Je suis entré à la SAT en octobre 1965 sur recommandation de Monsieur MAISON. Je suis reçu successivement par messieurs PARCE et BOULIN.
La première entrevue, plutôt protocolaire, se passe très bien au point que je suis félicité à la fin de l’audience : « Vous parlez fort et distinctement, je n’ai pas eu de mal à vous entendre ». déclare monsieur PARCE qui avait des problèmes d’audition.
Monsieur BOULIN, alors Directeur Technique me précise ensuite la fonction qu’il envisage de me confier. Il s’agissait de diriger un groupe technique « Industrialisation » rattaché au Département Procédés Industriels dirigé par Monsieur VERGES (sur le départ) et Monsieur VELTE. Le but était la recherche d’une amélioration de la qualité et de la rentabilité des matériels produits par la SAT, en collaboration avec les laboratoires d’études.
Je commençai donc par faire le tour des groupes d’études puis visitai les ateliers de production de PARIS puis MONTLUÇON. Les chefs de groupe du laboratoire et les directeurs d’usines, probablement motivés par Messieurs BOULIN et GILARDI se montrèrent très coopératifs.
 
1 - Le contrôle automatique des équipements 12 voies
 
A cette époque le matériel produit en série importante était l’équipement téléphonique « 12 voies » utilisé pour la transmission analogique à grande distance (multiplexage par transposition de fréquence). Ce qui frappait immédiatement était le temps pris par l’opération de contrôle : environ deux heures de travail d’un technicien compétent qui de plus devait remplir la feuille de mesure qui serait présentée au réceptionnaire de l’administration des P&T. Ce remplissage de la feuille était une opération archaïque qui pouvait se comparer à l’établissement manuel d’une facture. Or, à la Société PHILIPS, que je venais de quitter et dans le département que j’avais dirigé, j’avais conçu et développé une « facturière automatique » comprenant un mini-ordinateur et une imprimante rapide qui avait trouvé un franc succès sur le marché ! J’ai donc monté un projet d’automatisation du contrôle et du remplissage de la feuille de mesure. Celui-ci ayant été approuvé et carte blanche m’ayant été accordée pour trouver les moyens nécessaires, j’ai fait appel à trois ingénieurs qui avaient travaillé sous mes ordres chez PHILIPS : messieurs BENEIX, LAMIRAULT et LAVAL. Ceux-ci se mirent au travail rapidement et avec passion. Il leur fallut développer un mini-ordinateur puissant pour l’époque afin de commander les équipements de mesure complexes et effectuer tous les calculs nécessaires. Il en résulta une machine, baptisée « SYGMA », qui fut implantée à MONTLUÇON et réalisa l’ensemble des opérations de connexions, mesure et impression de la feuille de mesure en quelques minutes.
Cette machine fut bien accueillie par l’ensemble du personnel et particulièrement celui de MONTLUÇON qui éprouva une certaine fierté à voir, dans l’usine, une de ces machines mystérieuses et intelligentes. Chacun devait se dire : nous ne sommes pas que des provinciaux enracinés au centre de la France, nous avons quitté nos sabots auvergnats et nous utilisons l’informatique dans notre travail !
La réduction considérable du temps de contrôle des équipements 12 voies ne fut pas, curieusement du goût de tous. Il fallut justifier un nouveau coût de production et dans le contexte économique sans concurrence de l’époque, il n’était pas facile de satisfaire les exigences de l’équilibre « établi » !
 
2 – La naissance du Tripôle
 
Les filtres qui constituaient une grande partie des équipements 12 voies étaient réalisés à l'aide d’un assemblage de quadripôles réglés individuellement dont l’assemblage en série constituait un filtre plus ou moins complexe. Chaque quadripôle comprenait une inductance réglable et des condensateurs. L’inductance était constituée d’un bobinage monté dans un pot ferrite muni d’un « plongeur » : un petit bâtonnet de ferrite qui se déplaçait dans l’entrefer du bobinage en agissant par vissage/dévissage de son support plastique fileté. Dans le coût d’un équipement 12 voies, celui des filtres entrait pour 60% ! Monsieur BOULIN examinant ce problème avec messieurs BERTIN et GROLLEMUND, me fit appeler et me demanda si j'avais une idée permettant d’automatiser le réglage des filtres. Quelqu’un ayant fait remarquer que chaque sous-ensemble à régler n’avait en réalité que trois bornes de sortie, monsieur BOULIN dit : « S’il n’y a que cela qui vous gêne, appelez-le tripôle ». Le Tripôle était né !
Après réflexion, je proposai la création d’un composant rassemblant inductance et condensateurs, enfermé dans un petit tube en fer doux, assurant la protection magnétique et l’étanchéité, qui serait muni de trois broches. Monsieur BOULIN, dubitatif, craignit une augmentation du coût, alors je lançai ce défi : le tripôle coûtera 10 francs !
J'avais constaté une telle pratique chez PHILIPS où le commerçant imposait aux ingénieurs du laboratoire de concevoir un matériel dont il fixait le prix de revient maximal.
Monsieur BOULIN, à moitié convaincu, me souhaita « bonne chance », et me recommanda de prendre un brevet ; il accepta d'ailleurs que son nom y soit associé.
Le tripôle imaginé, il fallait le matérialiser ! Monsieur DELEBECQUE talentueux ingénieur mécanicien fût chargé de l’étude pour laquelle on lui fixa l’objectif de coût, mais aussi la quantité probable de production (ce qui était rarement le cas précédemment). A la grande joie de tous le coût de 10 francs se révéla possible.
Le tripôle a été fabriqué en grande quantité dans l’atelier spécialisé de l’usine de LANNION : probablement la quantité d’un million de pièces fut atteint à moins qu’il s’agisse d’un excès de l’imagination de certains.
De nombreuses personnes furent associées à ce projet et en particulier, outre monsieur DELEBECQUE, messieurs VELTE, BORY et LAMIRAULT.
 
3 – Vente de licence de production et transfert de technologies en BULGARIE
 
J'ai rencontré un jour un jeune et atypique ingénieur commercial qui me tint le discours suivant : « Nous vendons nos matériels dans quelques pays africains qui reçoivent pour cela l’aide de la France. Les pays de l’est européen ont les consignes et les fonds bancaires de l’Union Soviétique pour l’achat de technologies à l’étranger. Voulez-vous aller avec moi voir ces clients potentiels afin de leur présenter notre avance technologique dans le domaine des équipements de télécommunications ? » J'acceptai immédiatement. Monsieur SESE invité par les Bulgares partit à SOFIA en reconnaissance et malheureusement perdit la vie par suite de l’accident à ZURICH de l’avion bulgare emprunté à son retour. Mais l’idée étant lancée, monsieur EPAULARD embaucha un jeune ingénieur commercial parlant russe. Celui-ci accompagna monsieur NEPOMIASTCHY à SOFIA (dans un avion d’AIR France !) Ce dernier avait dans sa valise une maquette à grande échelle du tripôle et partait avec la ferme intention de séduire le client potentiel.
Dès le premier contact avec un jeune cadre du ministère parlant russe (langue que toute la jeune élite du parti communiste maîtrisait alors parfaitement), cela se présenta bien : le bulgare intéressé organisa pour le lendemain une présentation aux ingénieurs des télécommunications. Une assistance nombreuse assista le lendemain à ce qui devint une véritable conférence avec séance de questions et réponses après l’exposé. La maîtrise de la langue russe par l’ensemble des présents joua un grand rôle dans ce succès. Le surlendemain se passa en longues séances de discussion avec le responsable du projet d’achat de notre licence ainsi que la fourniture aux bulgares d’ateliers de production « clefs en main ». Quelques mois plus tard le contrat fut signé à SOFIA par monsieur LE MENESTREL puis monsieur PAULIAT assisté de mademoiselle PRIHNENKO, parlant couramment le russe s’y installa, tandis qu’une noria d’ingénieurs SAT s’y succédaient jusqu’à l’inauguration de l’usine.
 
4 – Vente d’une câblerie «clefs en main» en POLOGNE.
 
Ma participation dans le cadre des Procédé Industriels se limita à la fourniture de la documentation en langue polonaise. Mais celle-ci m'imposa plusieurs voyages à VARSOVIE et la connaissance de la langue russe me servit beaucoup pour aplanir les difficultés avec le client.
 
5 – Transfert de technologie pour la production de circuits spécifiques en HONGRIE.
 
J'ai achevé ma carrière par la mise en place de ce transfert de technologie pour lequel monsieur VELTE accepta d’aller travailler à BUDAPEST assisté là encore par mademoiselle PRIHNENKO. La langue russe de mon enfance avait à nouveau été bien utile puisque beaucoup des cadres supérieurs du pays avaient fait leurs études en Union Soviétique même si la grande majorité de la population n’aimait pas les russes.
 
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