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Contribution de 02 - Pierre FROISSART

 L’optique à la SAT

 
La quasi totalité des équipements infrarouges étudiés par la SAT (auto-directeurs, écartomètres, analyseurs monoligne, systèmes de détection, de veille, de guidage, de poursuite, caméras thermiques, etc… ) nécessitaient des systèmes plus ou moins complexes de concentration de l’énergie et/ou de balayage de l’image du paysage sur le détecteur.
Ces sous ensembles étaient conçus, réalisés, contrôlés, puis intégrés dans le système complet, par des services qui travaillaient en étroite collaboration :
·         un laboratoire d’optique instrumentale (I.R.3, puis gr. 37, DOD92),
·         un laboratoire de couches minces (I.R.3, puis gr 36, DOD 95),
·         un atelier de polissage des pièces optiques et de montage de prototypes (service optique, puis DOD 92).
L’atelier de montage assurera les fabrications de série jusqu’à la création de l’usine de Poitiers. Celle-ci comprendra alors des ateliers série de polissage, couches minces, et montage des composants.
L’essentiel de l’activité consistait à concevoir, mettre au point, mais aussi industrialiser les nouvelles technologies optiques qui permettaient aux systèmes de progresser.
En effet, dans le contexte politique (équipements essentiellement militaires, en période de guerre froide), la littérature (principalement américaine) était succincte.
Le problème récurrent de toutes ces années a été la disponibilité de matériaux.
En effet si dans le domaine du visible et du CCD, les catalogues des verriers proposent plus de 300 verres différents, dans l’infrarouge les matériaux industriellement utilisables sont de l’ordre d’une vingtaine. De plus les fournisseurs (en général uniques) étaient en grande majorité d’origine américaine, ce qui a parfois posé problème.
Le laboratoire optique a assuré la maîtrise d’œuvre du développement en France de 4 matériaux, et a accompagné le développement de nombreux matériaux européens.
Une anecdote pour illustrer ce besoin de matériau : l’irdôme du 530 (le premier AD fabriqué en série) était en VIR3 (verre dont le développement avait été demandé par la SAT). Lors de l’étude de l’AD 550 (prototype du Magic1), il a été spécifié une tenue à la pluvioérosion (vol à Mach élevé dans un nuage de pluie). Ce phénomène de pluvioérosion était connu des fabricants de fuselages, et des études avaient lieu sur les métaux, mais strictement rien sur les verres .Après recherche d’un moyen d’essai possible (il y en avait 3 au monde), nous avons sélectionné un bras tournant de Dornier (RFA). Nous sommes partis avec un représentant de Matra (notre client pour l’AD) et des échantillons. La spécification était une heure de tenue dans certaines conditions. Dans notre optimisme béat, nous avons commencé l’essai en demandant une demi-heure au technicien mis à notre disposition. Ce dernier a paru surpris et nous a fait confirmer notre demande, ce que nous avons fait, croyant seulement à un problème de langage (nous ne parlions pas l’allemand, et lui peu l’anglais). Au bout de la demi-heure, il a donc été chercher notre échantillon, et a éclaté de rire : Il ne restait strictement rien. Nous venions de comprendre ce qu’était la pluvioérosion ! L’essai suivant a duré10 secondes.
Cette contrainte nous a conduit à rechercher un nouveau matériau pour irdôme : ce fut le développement du MgF2. Des campagnes de pluvioérosion se sont poursuivies pendant les 30 années suivantes sur toutes sortes de matériaux, et sur les traitements de surface.
Les systèmes optiques des années 60 étaient fabriqués avec des miroirs, ou des matériaux qui avaient encore de la transparence dans le visible.
Mais ces matériaux étaient mous ou fragiles, difficiles à et polir et à traiter anti-reflets. D’autre part les progrès des détecteurs permettaient d’utiliser des bandes spectrales plus lointaines.
Les matériaux utilisés n’étaient plus transparents : Il fallut mettre au point les différents bancs de réglage et de contrôle de ces systèmes optiques, et les méthodes correspondantes.
Pour chaque composant, il fallait mettre au point la technologie de polissage, de traitement (ces matériaux avaient en général un indice de réfraction élevé qui imposait un traitement anti-reflets efficace. Mais il fallait aussi étudier le traitement des lames séparatrices, des lames dichroïques, bref de composants les plus divers, répondant à des spécifications de plus en plus exigeantes.
Parmi les composants, les fenêtres nécessitaient des études poussées : elles étaient en général de grand format (en effet derrière il y avait un système de balayage, ou au minimum un système de pointage de la ligne de visée). Ces fenêtres devaient résister à de nombreuses agressions (essuyages, chocs climatiques, brouillard salin, vent de sable, projections chimiques acides ou basiques). Il a donc fallu étudier des traitements de surface particulièrement résistants. Le laboratoire couches-minces a développé, avec la coopération de l’IN2P3, le carbone adamentin. Une pièce en germanium ainsi traitée était inrayable, même avec une pointe en acier.
Ces dépôts de couches-minces sont réalisés dans des enceintes à vide, par évaporation, ou décomposition d’un gaz. Une assistance par canon à électron assure la densification des couches, donc leur meilleure tenue.
Ces pièces de grandes dimensions nécessitaient évidemment un traitement uniforme, et parfois n’étaient pas planes : cela imposait, à l’intérieur de la cloche, un mécanisme de déplacement des pièces en cours d’évaporation, avec de longs essais sur témoins, avant le traitement des pièces définitives.
Le laboratoire couches-minces faisait l’étude des différents filtres qui étaient en général montés sur les doigts froids des détecteurs.
Le laboratoire couches-minces a également développé la réalisation de miroirs par réplication. En effet le polissage classique de miroirs asphériques était une opération particulièrement longue, qui n’était pas viable pour des grandes séries. La technique de réplication consiste à réaliser une pièce par la méthode classique, puis à la répliquer par moulage, à l’aide d’une résine sur un substrat sphérique. Le principe théorique est simple, la réalisation pratique a nécessité des études poussées (choix de la résine, de l’agent de démoulage, etc..) Des milliers de miroirs répliqués ont été fabriqués par l’usine de Poitiers.
Réaliser un système optique infrarouge, en laboratoire, et à température ambiante, présentait une difficulté moyenne. Mais les systèmes étudiés devaient fonctionner dans l’environnement militaire (gamme de température –40, +70°C, vibrations, chocs), tout en conservant leurs performances (focalisation, qualité de l’image, parallélisme ou confusion des axes des voies).
C’était le véritable challenge, et la cause de longues études et essais. En effet la plupart des matériaux infrarouge utilisés ont une forte variation de l’indice de réfraction avec la température, ce qui conduisait à concevoir des dispositifs de compensation, passifs ou actifs. Il fallait bien entendu mettre en œuvre, en parallèle, les moyens d’essai et de contrôle (par exemple un banc de mesure de MTF en température).
Un exemple parmi d’autres : les études technologiques pour un système embarqué sur obus, ont permis de mettre au point des composants (optique, détecteur, cartes électroniques) supportant une accélération de départ de 18000 g.
Enfin le laboratoire participait à l’étude et la réalisation des différents bancs spécifiques de réglage, contrôle ou maintenance des équipements.
Cette activité, de type horizontale, variée et très enrichissante (tout était à créer et industrialiser), fut menée par des équipes motivées et soudées. Citer tout le monde serait fastidieux, mais chacun participait à la réussite de l’ensemble. On rappellera seulement les noms de responsables successifs :
  • Fernand DOURNEAU (qui décèdera d’une crise cardiaque dans le laboratoire),
  • Jean NORBERT,
  • Patrick COLARDELLE,
  • Joseph JOZWIAK,
  • Pierre FROISSART,
  • Yves LOCQUET.
 
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