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Contribution de N°47 - Guillaume DEOTTI

 Contribution de Guillaume DEOTTI *
"Une vie aux chantiers de pose"
 
*Document transmis par l'auteur peu de temps avant son décès au printemps 2014  
Guillaume DEOTTI, né en 1928, je rentre à la S.A.T. en 1947. Sous le N° 387.
Après un stage de 6 mois comme topographe chez un Géomètre à Fumel (47), j’exerce à la S.A.T. la profession de topographe piqueteur. L'activité « piquetage » est dévolue à la cellule de dessin « chantiers pose », elle est implantée dans l'établissement de Vitry-sur-Seine. À cette époque, c’est Monsieur DENIS Louis, ingénieur des Arts et Métiers qui la dirige.
Beaucoup plus tard après M. DENIS, c’est M. Jean-Jacques SIMON qui en prend la direction. Il est également ingénieur des Arts et Métiers.
En 1978, je suis nommé ingénieur. Durant ma carrière je forme et dirige une vingtaine d'équipes de piquetage. J’effectue beaucoup de déplacement sur les chantiers en cours. Le report des relevés terrain est fait au bureau de dessin « direction chantiers » situé à Wissous. M. Jean LAFLEUR DES POIS est nommé responsable de ce bureau.
Je réalise ou supervise le « piquetage » de nombreux chantiers pour la D.T.R.N (Direction des Télécommunications du Réseau National), les D.R.T (Directions Régionales des télécommuni-cations), la S.N.C.F., les services autoroutiers, la Défense Nationale, etc…
En 1975, l’artère Marseille-Montpellier a été le dernier parcours  piqueté par mes soins.

Par la suite, je me déplace fréquemment en Tunisie sur les tronçons de l'artère du F.A.D.E.S. (Fonds Arabes pour le Développement Economique et Social )

Au mois de mai 1983, accompagné de M. Pierre BOUVIER pour le compte de M. Jean-Pierre CRENN, nous allons au Sahara entre In Salah et Tamanrasset, dans le Hoggar, pour faire l'étude de la fourniture et de la faisabilité en vue de la pose d'une artère entre ces deux localités, moi-même pour faire une étude sommaire du tracé et déterminer les zones rocheuses et la qualité de la roche, ainsi que le mode de passages des oueds les plus actifs, M.BOUVIER est chargé de définir le matériel à employer. Plus tard nous sommes revenus à Alger au ministère pour présenter le résultat de nos recherches devant un parterre de Généraux et des Ingénieurs des Télécommunications. Nous avions eu un certain succès. (Voir document annexé).
A l'inauguration de la liaison Reims-Dijon, Robert NICOULEAU et moi-même sommes invités par le chef de centre, M. DESMOULINS, dans son discours ce dernier fait l'éloge du travail réalisé et souligne la qualité des prestations réalisées par la S.A.T.
En 1985, je quitte la S.A.T. pour prendre ma retraite, celle-ci va être très occupée.
De 1983 à 2013, j’assure la présidence du Conseil Syndical de la Copropriété de l'immeuble où je demeure, j'y remplis bénévolement la fonction d'architecte, je définis et supervise de nombreux travaux de restauration de l'immeuble, ravalements, renouvellement de la toiture, etc. Pour optimiser l’organisation de ces derniers, je me forme à l'informatique et plus spécialement à la D.A.O., j’exécute tous les plans, nécessaire à la coordination des entreprises. Malgré mon vieillissement, je m'intéresse toujours à l'informatique, tout spécialement dans les domaines qui me concernent, y compris la photo.
 

Je cultive également ma passion pour la géologie en tant que membre de plusieurs organismes j'ai participé aux réunionsde la Société Géologique de France, de l'Association des Géologues du Bassin de Paris (A.G.B.P.), du Comité Français de Géologie de l'Ingénieur (C.F.G.I.) et de la Société d'Histoire Naturelle d'Autun.

J’ai fait de nombreuses sorties sur le terrain pour visiter plusieurs chantiers ; fondations de la tour Montparnasse, construction du R.E.R., travaux routiers en région Parisienne et en province, etc.
En 1992 au 117e Congrès National des Sociétés Savantes de Clermont-Ferrand, je fais un exposé sur les carrières des massifs trachytiques et les églises Romanes du nord Cantal, cet exposé a été  suivi d'une publication dans «  Carrières et Constructions ».
En 2010 je publie un ouvrage de 120 pages sur l’historique et les caractéristiques de construction avec recherches sur le nombre d'or de l’église Romane de Saint-Pierre de Buzet, située dans l’Albret (47).
Dans les années 80, je suis membre du stéréo club français (S.C.F.). Pendant plusieurs années j'assiste aux séances techniques. Avec un ami, passionné comme moi par la 3D, nous nous équipons de matériel de prises de vue et de projection en stéréo, nous constituons une importante bibliothèque de photos en relief, ensemble nous organisons des projections de diaporamas en 3D. Tout ceci jusqu'à l'arrivée du numérique qui a détrôné l'argentique. 
 
Annexe
Le document ci-dessous, réalisé par Guillaume DEOTTI en 1983, est un bel exemple de ce qu’était le métier de piqueteur à cette époque. Ce métier nécessitait, notamment, des connaissances en géologie et en géomorphologie pour établir un diagnostic sûr et précis du terrain sur lequel était envisagé le tracé du câble. Nul doute que peu de personnes à la SAT où, à cette époque, l’essentiel du personnel œuvrait dans le domaine des équipements électroniques et bientôt du logiciel, aient eu connaissance de ce métier. Il nous a paru très intéressant de l’inclure dans la contribution de Guillaume DEOTTI.
Reconnaissance sur la liaison In Salah-Tamanrasset du 2 au 7 mai 1983
Compte rendu
Sommaire                      
1-    Généralités
2-    Géologie
3-    Géomorphologie : 3-1 Les actions mécaniques
                                3-2 L’action des eaux courantes
                                3-3 l’ennoyage désertique (1)
4-    Géotechnique
 
5-    Piquetage et plans
6-    Petit lexique sur le Sahara
 
Piquetage :
Action d’établir, un tracé pour un ouvrage, en l’occurrence la pose d’un câble. Le terme vient de piquets avec lesquels sont souvent repérées sur le terrain les limites d’ouvrage. Pour un câble, le résultat de l’étude est reporté est reporté sur une carte d’échelle adaptée pour avoir une précision suffisante. Ceux qui réalisent le piquetage sont des "piqueteurs"
 
1. Généralités
 
Cette reconnaissance a eu pour but d’obtenir une connaissance générale des caractéristiques géologiques et géotechniques des sols intéressés par le tracé, y compris de calculer l’estimation la plus probable des travaux.
Avant la visite sur le site, une étude géologique sommaire a été fait sur une carte géologique au 1/ 2 000 000. Nous en avions déduit, qu’entre In Salah et Arak, les formations sont sédimentaires et cristallines entre Arak et Tamanrasset.
L’itinéraire de cette artère est situé sur la bordure occidentale du Massif Central Saharien : le Hoggar. Cette formation appartient au vieux socle cristallin qui s’est formé aux premiers âges de la terre. Il est composé de granites, de micaschistes, de quartzites, etc…
Après la reconnaissance sur le terrain, nous avons retenu un certain nombre de renseignements concernant la géologie, la géomorphologie et la géotechnique.
2. Géologie
 
Voir ci-joint, l’itinéraire géologique avec les étages et la description des roches rencontrées. (Planche III).
Dans la désignation des roches, nous citons toujours les roches mères, la pédogénèse (voir lexique), a transformé ces roches en sol et c’est dans ces formations meubles que nous envisageons d’enfouir le câble, sauf sans les parties rocheuses où le sol meuble est absent.
3.. Géomorphologie
3.1 - Les actions mécaniques
Lors de notre visite sur le terrain, nous avons observé avec beaucoup d’attention, la transformation des roches dures en roches meubles et leur épandage ; c’est dans cet épandage que nous avons poussé nos recherches pour déterminer le tracé.
Pour rendre les roches meubles, il faut une désagrégation mécanique. Dans le Hoggar, elle est assez forte par manque de couverture végétale. Il y a de grands écarts de température entre le jour et la nuit, pouvant atteindre 56° sous abri et bien davantage au soleil.

Des mesures récentes montrent que les variations de température pénètrent plus profondément qu’on ne le pensait : pour une amplitude au sol de 30°, 1,33 m dans le calcaire ; 1,88 m dans le granite. Le coefficient de dilatation est de même plus élevé dans le granite que dans du calcaire. Aussi dilatation et contraction provoquent des tensions qui peuvent aboutir à l’éclatement, puis à la dislocation par ouverture de diaclases, et dans les roches grenues par le descellement des minéraux qui la constituent, comme le granite par exemple. 

Les pentes rocheuses reculent parallèlement à elles-mêmes. La base se recouvre de pierrailles qui tendent à se fragmenter en arène, si la texture de la roche s’y prête. (Voir Photos pages 4-8-14 et 19).
 3. 2 - L’action des eaux courantes
Les déserts sans saison pluvieuse régulière sont parmi les plus désolé. Ces pluies tombent souvent en grosses averses.
L’absence de végétation, conséquence de la sécheresse, rend l’action du ruissellement extrêmement brutale. Les reliefs sont ainsi périodiquement déblayés de tous les matériaux meubles ; il se produit une action de lessivage.
En effet, dans le Hoggar, les Oueds ont des crues brutales, surtout si elles viennent des massifs montagneux. Elles débutent souvent par un front très chargé. Cette onde de crue avance comme un rouleau, surtout dans les piémonts à une assez grande vitesse, entre 5 et 10 km/heure. L’Oued en progressant entraîne des débris accumulés dans le lit ou provenant de l’érosion des berges, de la reprise d’accumulations anciennes. La crue s’étale latéralement, sape les berges. Ainsi s’explique l’extraordinaire largeur des lits d’Oueds, surtout hors des reliefs de roche dure.
Les Oueds sont en grande partie localisés entre Tit et In-Eker, et également un Oued longitudinal parallèle à la piste dans les gorges d’Arak. (Voir photos pages 3-7-12-15 et 20). La longueur approximative de zones d’Oueds est de 50 km.

 

En ce qui concerne la protection du câble, des précautions sont en prendre dans ces zones d’Oueds. Une armure spéciale formée de fils d’acier ronds, avec ancrage aux deux extrémités est nécessaire. (Voir planches VII et VIII).
3.3 - L'ennoyage désertique
      Ennoyage :
-          Disparition progressive de couches géologiques ou de structures inclinées sous des séries plus récentes.
-          Enfouissement des parties basses d'un relief contrasté sous des dépôts détritiques ou sous les eaux.
-           Invasion ou submersion d'une zone côtière par les eaux marines à la suite d'une remontée du niveau de la mer ou de mouvements
-          négatifs du sous-sol (affaissement, tassement),
-          Engorgement d'un sol.
Si le ruissellement est capable par sa brutalité, de déblayer les reliefs, son action est trop limitée dans le temps pour alimenter un réseau hydrographique organisé, capable d’évacuer au loin les débris. Ceux-ci restent donc accumulés en nappes au pied des pentes. Seules les parties hautes semblent émerger du glacis alluvial. C’est ce qu’on appelle l’ennoyage désertique.
Dans les régions arides, l’écoulement est donc généralement endoréique, se dirige vers des dépressions fermées ou plus simplement se perd plus ou moins loin de son origine, selon l’importance des précipitations, les conditions du relief et de lithologie du sol.
En ce qui concerne le tracé de l’artère, il sera recherché dans cette zone d’épandage d’alluvions à surface plane, que l’on désigne également sous le nom de PLAYA. (Voir photos pages, 9-10-11 et 13)
4. Géotechnique
De cette reconnaissance, nous avons déduit qu’il existait trois sortes de terrain, que nous classerons : Zones A, B et C (voir la répartition générale et détaillée planches IV et V).
Zone A. terrain dur en grande partie granitique. Fouille exécutée par une pelle mécanique. Pose traditionnelle en tranchée. (Voir photos pages 13 et 14).
Zone B. terrain moyen, alternances de dur et de bon terrain. (Voir Photos pages 5-6-9-10). Dans cette zone, pour éliminer ay maximum les parties rocheuses, des recherches seront effectuées par télédétection sur des photos aériennes de l’Institut Cartographique d’Algérie ou sur des photos de satellite LANDSAT de la NASA.
Au moment du piquetage, ces recherches seront complétées et affinées sur le terrain. Ceci nous conduira parfois à nous écarter de la piste principale à des distances non négligeables, 4 à 500 mètres, 1000 mètres peut-être. Dans certains secteurs, il nous est apparu que la piste chamelière était plus favorable. Au moment des travaux, dans les secteurs où le terrain rocheux n’ pas été éliminé à l’étude, nous avons prévu le passage d’un  "RIPPER" à chenilles, de forte puissance, équipé d’une seule dent pouvant exécuter un entaille de 1,25 m de profondeur. Cet engin disloquera le rocher ou déplacera les blocs de moyenne importance. S’il trouve une résistance trop forte, il fera marche arrière pour rechercher un nouveau tracé en contournant le massif rebelle.
Après passage de ce "RIPPER", le sol sera libéré pour la pose mécanisée.
Malgré ces moyens mis en œuvre, il restera un faible pourcentage de tracé qu’il faudra effectuer en pose traditionnelle, peut-être sur l’accotement de la piste principale.
Zone C. Bon terrain pour pose mécanisée. (Voir Photo page 1 et 2).
Sur l’itinéraire de l’artère, la plus grande partie des roches dures est granitique.
Voici quelques détails sur l’altérabilité en arène de cette roche. Le granite est du point de vue morphologique, une roche déconcertante. Il apparait tantôt tendre et tantôt dur.
 
Facteurs de faible résistance
Facteurs de forte résistance
 
1
2
3
4
5
6
7
8
    
Abondance de biotite
Abondance de plagiocases rareté de microline
Faible proportion de quartz
Gros grains
Abondance de diaclase
Forte porosité
Climat chaud
Milieu salin
      
       Rareté de la biotite
      Rareté des plagioclases, abondance de
        microline
        Forte proportion de quartz
Grains fins
Rareté de diaclases
Faible porosité
Climat froid
Milieu non salin
 
5. Piquetage
Sur le terrain, un piquetage sera réalisé avant le début des travaux de pose.
Le piqueteur implantera le tracé de l’artère en recherchant au maximum le terrain meuble. Il déterminera également le mode de passage pour les traversées d’Oueds. Tous les renseignements concernant le piquetage seront reportés sur un fond de plan que nous aurons relevé à différentes échelles. Elles ont été choisies suivant la complexité des lieux :
1/1000 en sortie d’agglomération
1/2000 de TAMANRASSET à TIT et les gorges d’ARAK
1/5000 de TIT au début des gorges d’ARAK
1/10000 d’ARAK à IN-SALAH
Ces échelles correspondent approximativement aux zones A, B et C, respectivement 1/2000, 1/5000 et 1/10000.
Lorsque l’artère sera près de la piste principale et dans les zones d’Oueds, des profils en travers seront réalisés.
La carte dite d’Etat-Major, avec le tracé du câble sera fournie suivant l’échelle disponible à l’Institut Cartographique d’Algérie.
Pour exécuter les levers sur le terrain, le piqueteur disposera d’un télémètre électronique par impulsion laser, type EN 2000 modèle léger (voir planche IX).
 
6. Petit lexique sur le SAHARA
Deux définitions générales avant le lexique concernant le Sahara :
Altération : Modification des propriétés physico-chimiques des minéraux, et donc des roches. Elle facilite la désagrégation.
Désagrégation : Séparation des grains d’une roche, par exemple, du fait d’un écart brusque de température.
Embayement ou Playa : (A rapprocher de baie ou plage).Zone d’épandage d’alluvions à surface plane, située à l’aval d’un glacis ou d’un pédiment avec laquelle elle se raccorde.
Erg : (Dune) Mers de sable, avec associations complexes de dunes longitudinales et transversales.
Exfoliation ou desquamation : Phénomène par lequel des portions superficielles de massifs rocheux compacts se détachent en grandes écailles courbes de quelques décimètres d’épaisseur ; exemple certains granites.
Pédiment : Surface d’érosion envahissante de piémont principalement dans les régions cristallines. Le terme de Glacis désigne les régions sédimentaires.
Inselberg : Montagne-Ile.
Lapiaz ou Lapié : (ou Karren mot d’origine jurassienne).Terrain rocheux hérissé d’aspérités séparés par des sillons. L’origine en est généralement due au ruissèlement des eaux qui dissolvent la roche.
Pédogénèse : Processus amenant à la formation des sols à partir d’une roche mère.
Reg : Sol des régions désertiques où les éléments les plus fins ont été emportés par le vent. Ne pas confondre avec Erg.
Pharusien : De Pharuses. Population occupant la région d’Anahef (Iforaces) origine des Iforas actuels.
Duggarien : De Suggarae Montes, nom donné par les Romains aux montagnes du Hoggar.
(Certains extraits ont été pris dans la bibliographie des Sciences de la terre).
 
Planches et photos.
Le texte ci-dessus renvoie à 19 photos et des planches. Guillaume DEOTTI n’a pas retrouvé la totalité de ces éléments avant de décéder au mois de mai 2014.  
 
 
  
 

 
 

 

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